
frederic.de.meyer
Immaculée Prostitution
Un jeune homme se donne à des partenaires de passage, tantôt inconnus, tantôt réguliers. Avec eux, il se montre tendre ou détaché, parfois insatisfait. Tout cela est sans rapport avec le travail du sexe. Il s’agit d’une « immaculée prostitution », une quête mystique marquée par des rituels. En chemin, le jeune homme croise un psychiatre, une aïeule roumaine un peu sorcière, un danseur nommé Derek et une figure spirituelle à la présence sublime : la Grande Immaculée…
Frédéric de Meyer livre un premier roman à la fois brûlant et raffiné. Son regard affûté sur le désir, la foi et la famille, qui culmine dans de saisissantes descriptions, souligne la fine frontière entre sexualité et spiritualité.
131 Pages
Paulette Editrice, 2023
Commentaries
by Mary Scheurer, Thursday 14th March 2024
Dear Fred
Having read your book, I hope you may like a little feedback.
I am impressed by the way you share intimate detail, whilst simultaneously observing an objective, even respectful distance. As readers, we are bound to the author by the confidence and trust he gives us, while at the same time we find ourselves witnesses to his experience: we are behind the mirror - bystanders, perhaps even voyeurs.
There is no self-pity in the description of what the author is going through; he enjoys, suffers, is taken off guard. He submits, offers himself as a willing sacrifice. This is his life, his choice, which he assumes fully.
We have fusion/distance, profane/sacred, physical /spiritual, prostitution/consecration. The Virgin Mary, the mystic (priestesses), Indian and Romanian. The contrast skillfully interweaves a double lietmotif.
The work is impressive and original, standing on its own merit. At the same time, to me it echoes the writings of Jean Genêt, whose books have always intrigued me. 'Notre Dame des Fleurs' and 'Querelle de Brest' in particular.
Thank you for this.
Archipel - Revue littéraire romande
Trinité Cul par Valentine Bovey, jeudi 14 mars 2024
“Je ne veux pas que cette rencontre soit diluée dans l’oubli. Il me faut sa trace écrite.” (9) Voilà comme le narrateur livre le projet de son texte, celui de rencontres : celles d’un travailleur du sexe avec ses clients, ou d’un adepte de cruising, une sexualité faite de rencontres dans des parc, clandestine, anonyme, fortement stigmatisée, ceci autant sous Louis XIV que pendant la période SIDA. Baiser dans les toilettes publiques, baiser pour de l’argent : déclinaisons du sale. La tension du texte tient pourtant exemplairement dans l’oxymore du titre : le stigmate s’entrechoque sur le sous-texte spirituel qui innerve ce premier roman du suisse Frédéric de Meyer, publié dans la collection Grattaculs de la maison Paulette Éditrice. L’auteur y a déjà contribué en 2021, en écrivant dans l’ouvrage collectif inaugural de la collection, Cuisson au feu de bois, exemplifiant ainsi l’intention de Paulette Éditrice qui vise à amplifier et transmettre des paroles, des expériences et des voix de la LGBTQIA+. Une collection queer qui l’évoque par son esthétique : c’est un bel objet, rose flamboyant, au graphisme soigné. Formé de fragments plus ou moins longs, titrés et parfois suivis, mais obéissant plutôt à une esthétique de l’instantané photographique et de l’éparpillement centripète de la mémoire, il part d’un quotidien de rencontres qu’il s’agit de fixer sur le papier pour remonter le fil d’une mémoire de sa sexualité, entre premières expériences et violences structurelles.
Foucault a affirmé dans un entretien daté de 1981 : “C’est l’une des concessions que l’on fait aux autres que de ne présenter l’homosexualité que sous la forme d’un plaisir immédiat, de deux jeunes garçons se rencontrant dans la rue, se séduisant d’un regard, se mettant la main aux fesses et s’envoyant en l’air dans le quart d’heure. […] Mais que des individus commencent à s’aimer, voilà le problème.”(1.) Ce texte n’a pourtant rien d’une concession, et entre la rencontre éphémère et l’amour, il décline, sous forme de noms d’amants et de clients, tout le spectre de l’indifférence à la tendresse, rendant poreuse l’opposition évoquée et abordant sur un même plan de papier pratiques sexuelles, tarifées ou non, pratiques religieuses, païennes ou non, pratiques corporelles, de danse ou de cuisine. Le texte débute par des épisodes de racolage dans les parcs publics, où le narrateur évoque les “pariétaires” tournant autour d’un “hêtre aux racines gonflées” (13) dans une sorte d’irrigation érotique de la nature, comme cette déclinaison de la fleur des pavés en un éparpillement d’images parfois littérales et souvent métaphoriques, comme la “fleur de Chlamydia” (67), et le “Narcisse” (82) qui convoque tout l’imaginaire de l’homosexualité, l’amour du (Soi-)Même transmuté d’abord par ses détracteur·rice·s puis réapproprié.
Mais il ne s’agit pas que de fleurs ; c’est aussi tout le jeu des potions, dont on comprend que le narrateur a été initié aux recettes et à leurs effets. Une figure de la sorcière, Bunica, qui éveille le narrateur en même temps à sa féminité et à son pouvoir, médie un rapport à la spiritualité qui passe par le corps, les odeurs de merde autant que les talismans, les fissures anales comme les orgasmes en “lumière si blanche” (63) qu’on s’efforce de l’avaler, les cours de danse où le narrateur s’épuise, écho de l’érotique et des compétences développées pour s’occuper des ses clients. Ponctuellement, entre les violences invisibles du déjeuner familial et la baise, apparaît la Grande Immaculée, figure mystique qui hante le texte, féminine, violette, iconique dans le premier sens du terme, ni entièrement chrétienne, hindoue, ou juive, forcément impure – de cette impureté innocente que Julia Kristeva décelait déjà dans Colette. Avec la Pute et la Sorcière : une nouvelle Trinité.
(1.) Foucault Michel, De l’amitié comme mode de vie, entretien réalisé par René De Ceccaty, Jean Le Bitoux et J. Danet, Gai Pied n°25, avril 1981. Repris dans Dits et écrits t.IV, Paris, Quarto Gallimard,1994, texte n°293, en ligne : http://1libertaire.free.fr/MFoucault174.html.